EEGq Neurothérapie intégrative


Comprendre autrement les troubles neurologiques fonctionnels : une lecture systémique et incarnée
Introduction :
Les troubles neurofonctionnels (TNF) occupent aujourd’hui une place singulière dans le paysage médical : ni purement neurologiques ni franchement psychiatriques, ils interrogent les frontières mêmes du soin. Longtemps considérés comme des troubles « inexpliqués », ces symptômes — tremblements, paralysies, crises non épileptiques, pertes sensitives — n’apparaissent sur aucun scanner, ne laissent aucune trace sur les IRM, et pourtant, ils existent. Ils affectent, ils handicapent, et ils résistent parfois aux traitements classiques.
Face à ces manifestations cliniques énigmatiques, la médecine a progressivement construit un cadre de reconnaissance : celui des TNF, inscrit dans les classifications internationales (DSM-5, ICD-11), validé par des équipes de neurologie fonctionnelle, et désormais mieux compris grâce à des études en neurosciences cognitives.
Pourtant, une autre voie se dessine. Une voie qui ne nie pas la réalité des symptômes, mais qui choisit de les inscrire dans une logique plus large : celle de la régulation neuropsychophysiologique. C’est l’approche de la neurothérapie intégrative. Une approche fondée sur l’étude des systèmes vivants, sur l’écoute des signaux corporels, sur la mise en synergie des grands régulateurs adaptatifs (posture, respiration, sommeil, émotions, cognition).
Tandis que les TNF posent la question du « pourquoi ça ne fonctionne plus », la neurothérapie intégrative interroge le « comment remettre en mouvement ». Ce croisement de regards, à la fois clinique et philosophique, mérite d’être exploré et partagé.
Partie 1 – Une clinique sans lésions : regards croisés
« On ne trouve rien, et pourtant ça ne va pas. »
Cette phrase, combien de fois les praticiens l’ont-ils entendue, et combien de fois les patients l’ont-ils soufflée, parfois à bout de souffle, après des années d’errance médicale ? Les troubles neurofonctionnels (TNF) émergent précisément de cette zone d’incertitude clinique, entre le visible et l’invisible, entre ce que les examens objectivent, et ce que le corps exprime.
La reconnaissance progressive des TNF dans les classifications internationales (DSM-5, puis CIM-11) a marqué un tournant : ces symptômes ne relèvent pas de la simulation, ni de l’hystérie, ni du « tout psychologique ». Ils relèvent d’un dysfonctionnement bien réel, mais échappent aux critères traditionnels de la pathologie lésionnelle.
Du côté de la médecine neurologique, les équipes hospitalières en « neurologie fonctionnelle » ont posé les bases d’une clinique rigoureuse. Les TNF sont définis comme des troubles moteurs, sensitifs ou cognitifs, sans substrat organique identifiable, mais avec des critères cliniques de positivité (signes incongruents, dissociation attentionnelle, discordances motrices). En cela, ils ne sont pas un défaut d’imagerie, mais une réalité mesurable.
Mais cette approche, aussi nécessaire et rigoureuse soit-elle, montre ses limites lorsqu’elle reste cantonnée à l’analyse cérébrale seule.
En neurothérapie intégrative, nous observons ces troubles non pas comme des erreurs du cerveau, mais comme des signaux du vivant en déséquilibre. Ce n’est pas le système nerveux central seul qui est « en panne » : c’est l’ensemble du système de régulation adaptatif qui sature ou se désynchronise. Le symptôme fonctionnel devient alors le langage d’une surcharge, d’une fatigue physiologique, d’un tonus dégradé, d’une respiration désorganisée, d’une mémoire sensorielle douloureuse, ou encore d’une rupture dans la cohérence des rythmes.
Encadré clinique : le cas d’Élodie, 29 ans :
Élodie consulte après une série de « pertes de tonus » inexpliquées, parfois accompagnées de troubles de la parole et d’un engourdissement de la jambe gauche. Après IRM, électromyogramme et consultation psychiatrique, le diagnostic posé est : trouble fonctionnel moteur.
En parallèle d’un suivi médical, elle débute un accompagnement en neurothérapie intégrative. Rapidement, les premières séances révèlent une hypotonie marquée du tronc, un schéma respiratoire thoracique, et une hypervigilance posturale. En travaillant sur l’ajustement du souffle, la proprioception et la régulation émotionnelle (notamment via biofeedback de cohérence cardiaque), les symptômes diminuent sensiblement. Trois mois plus tard, elle retrouve une capacité à maintenir ses activités sans survenue de crises, avec un ressenti subjectif de reprise de contrôle.
Partie 2 – Des modèles explicatifs divergents : cerveau isolé ou cerveau incarné ?
Une fois posé le diagnostic de « trouble neurofonctionnel », que faire ? Comment comprendre l’origine du symptôme et surtout, comment aider la personne à retrouver un mouvement de vie ?
Du côté des approches biomédicales, le modèle explicatif reste centré sur le cerveau, envisagé comme organe de contrôle. Le trouble fonctionnel serait le résultat d’une mauvaise communication entre les zones cérébrales, ou d’une hyperactivité du réseau de saillance. Les IRM fonctionnelles apportent des images, des hypothèses, mais rarement une réponse concrète à la souffrance vécue. Et surtout, ce modèle reste désincarné : il ne considère pas le corps, le souffle, la fatigue, la posture, ni la trajectoire biographique de la personne.
En neurothérapie intégrative, nous partons d’un autre postulat :
le cerveau ne dysfonctionne pas isolément. Il est le reflet d’un système vivant en régulation constante. Le symptôme fonctionnel — perte de tonus, faiblesse d’un membre, chute, blocage — est souvent le signal d’un déséquilibre global entre les grands systèmes adaptatifs : tonus musculaire de fond, respiration, attention, régulation émotionnelle et cognition.
C’est ici que le cas de Madame D. prend tout son sens. Deux épisodes, dix ans d’intervalle. Même symptôme, même outil (le neurofeedback EEGq), mais résultat radicalement différent selon la manière de l’utiliser.
Pourquoi ? Parce que dans le premier épisode, le neurofeedback a été intégré à une approche tonico-respiratoire complète, avec un travail proprioceptif de la posture et perceptif sur l’équilibre de cette posture debout, une respiration rééduquée, une lecture clinique partagée. Et dans le second, le même outil a été isolé, réduit à une technique, sans dialogue avec le corps ni lien avec la physiologie du sommeil.
Ce constat pose une question dérangeante, mais essentielle :
Peut-on réellement « rééduquer le cerveau » sans remettre en mouvement le corps qui le soutient
📍Encadré clinique – Madame D., ou l’intelligence du corps négligée
En 2015, Madame D. consulte pour une boiterie importante, sans lésion identifiable. À l’époque, l’accompagnement neurothérapeutique qu’elle reçoit repose sur une approche intégrative complète : neurofeedback EEGq, travail proprioceptif sur plateforme vibrante, rééducation respiratoire et tonique selon diverses méthodes, dont la méthode d’éducation par le souffle (Guillarme) et de recalibration sensorielle en posture debout (Safin).
L’EEGq révèle un excès d’ondes thêta, correspondant à un épuisement cérébral masqué par un fonctionnement en sur-régime. Le travail thérapeutique synchronisé sur le souffle, le tonus et les ondes cérébrales permet une remise en mouvement en quelques mois.
En 2022, une rechute survient. La jambe droite lâche. Le tronc s’effondre vers l’avant. Les IRM sont normales. Les diagnostics s’accumulent : trouble neurologique fonctionnel. Un neurofeedback est tenté auprès d’un élève, mais sans la dimension intégrative, l’effet reste nul.
Aucun travail du souffle. Aucune éducation posturale. Aucune lecture partagée du EEGq. Madame D. repart sans compréhension ni espoir.
De retour en lien, une relecture de son EEGq suggère une carence profonde des ondes lentes, laissant suspecter un trouble respiratoire du sommeil (TROS) non diagnostiqué. Un problème fréquent chez les femmes, souvent ignoré faute de symptômes classiques.
La nouvelle proposition repose alors sur une reprise intégrative : EEGq, éducation ventilatoire, orientation vers un examen du sommeil… et une posture thérapeutique centrée sur la cohérence entre les systèmes.
Ces éléments, mis en perspective, renforcent une hypothèse formulée dès le premier épisode et que les années ont permis de préciser : celle d’un TDAH discret, vraisemblablement compensé pendant de longues années par un haut potentiel intellectuel (HPI), mais qui, dans les moments de surcharge émotionnelle ou de changement de rythme de vie, laisse apparaître une fragilité motrice et cognitive accrue.
Ce profil neuropsychologique singulier, croisé à un trouble respiratoire du sommeil probablement non diagnostiqué (TROS), dessine une configuration fréquente mais encore trop peu reconnue, notamment chez la femme adulte. La baisse des ondes lentes observée à l’EEGq et la perte de récupération physiologique qu’elle implique ne peuvent plus être interprétées comme des simples « signes de fatigue », mais comme l’expression d’un dérèglement central profond du système tonico-ventilatoire et des régulations cérébrales associées.
Ce cas nous rappelle une vérité simple mais trop souvent oubliée : le symptôme n’est qu’un signal. Le soin, lui, commence lorsque nous écoutons le langage de la physiologie dans son ensemble.
À cette question, nous répondons sans détour : non. C’est précisément là que la neurothérapie intégrative prend tout son sens, en dépassant l’usage isolé du neurofeedback. Elle ne cherche pas à « corriger une anomalie EEG », mais à restituer au sujet les conditions neurophysiologiques de l’autorégulation. Elle implique concrètement :
- un regard porté sur la posture et le tonus de fond,
- une rééducation du souffle (parfois oublié depuis l’enfance),
- une réhabilitation du sommeil profond,
- une écoute des mémoires corporelles,
- et une co-construction du soin dans la relation.
Et dans le contexte des TNF, cela change radicalement notre posture d’accompagnement. Car ce que les approches médicales appellent « trouble fonctionnel » est, pour nous, un appel du vivant à une reconnexion plus profonde.
Conclusion – Redonner sens au symptôme, redonner pouvoir au patient
Le trouble neurofonctionnel est un paradoxe moderne : il est reconnu mais encore trop souvent mal compris. Il s’inscrit dans une clinique sans lésion, mais pas sans souffrance. Il témoigne d’une dérégulation profonde du vivant, mais les réponses qu’on lui apporte restent, trop souvent, techniques, segmentées ou standardisées.
La neurothérapie intégrative n’apporte pas une solution miracle. Elle ne s’oppose pas à la médecine, ni ne s’exclut du champ scientifique. Elle propose simplement un changement de posture :
Observer le corps comme un système intelligent.
Considérer le symptôme comme un signal.
Et accueillir la souffrance comme un langage du vivant en demande de réorganisation.
Nous pensons que les troubles neurofonctionnels ne sont pas des énigmes à résoudre, mais des invitations à changer de regard. Lorsqu’un symptôme résiste, ce n’est pas forcément qu’il est plus grave, mais peut-être qu’il est plus global. Il ne demande pas qu’on le supprime, mais qu’on l’écoute, qu’on le relie à l’ensemble du système adaptatif, qu’on l’accompagne dans un mouvement de régulation incarnée.
La médecine fonctionnelle a posé un nom. La neurothérapie intégrative propose un chemin.
Et ce chemin commence précisément là où les modèles cessent de s’exclure pour, enfin, coopérer —
au bénéfice de celles et ceux que nous accompagnons.
Pour aller plus loin
Si vous êtes concerné(e) par un trouble neurofonctionnel, ou si vous accompagnez des personnes dans ce contexte, sachez que des ressources concrètes existent.
👉 L’Institut Neurosens propose une approche intégrative, non médicamenteuse, fondée sur la régulation du tonus, de la respiration, du sommeil, des émotions et des fonctions cognitives.
👉 Nos formations s’adressent à des professionnels de santé, d’éducation et d’accompagnement qui souhaitent élargir leur regard et intégrer les outils de la neurothérapie intégrative dans leur pratique.
Vous trouverez :
- des informations sur la neurothérapie intégrative,
- un annuaire de praticiens formés,
- et des propositions de parcours individualisés sur notre site :
🌐 www.institutneurosens.com
Parce que redonner du sens au symptôme, c’est aussi redonner du pouvoir d’agir — à la personne, à la famille, au professionnel.

Joël LEMAIRE, Kinésithérapeute
Président & Cofondateur de l’Institut Neurosens
DU Posturologie clinique
DU Perception Action Troubles des Apprentissages
Membre de la Société Française de Physiothérapie
Membre de l’Association de Psychophysiologie Appliquée et Biofeedback – AAPB
Membre de la Société Internationale de Neurorégulation et la Recherche – ISNR
https://www.institut.neurosens.fr/
Bibliographie indicative :
– Edwards, M. J., & Bhatia, K. P. (2012). Functional (psychogenic) movement disorders: merging mind and brain. The Lancet Neurology.
– Espay, A. J., Aybek, S., Carson, A., et al. (2018). Current Concepts in Diagnosis and Treatment of Functional Neurological Disorders. JAMA Neurology.
– Guillarme, É. (2015). Rééducation du souffle et régulation du tonus. Approche intégrative en kinésithérapie.
– Thirioux, B. (2021). Cognition incarnée et neurosciences. Presses Universitaires de France.














