Le trouble neurologique fonctionnel est-il un diagnostic poubelle ?

Dr Julien Labouré : Neurologue à St Etienne et Au centre Bipol AIR à Lyon
Un trouble reconnu
Le trouble neurologique fonctionnel (TNF) est un diagnostic qui figure dans le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux (DSM-5), livre de référence des troubles psychiatriques dans le monde. Il se caractérise par la présence de symptômes neurologiques inexpliqués par une maladie neurologique lésionnelle. Le diagnostic de TNF repose sur une approche clinique positive, c’est-à-dire qu’il s’appuie sur l’identification de signes cliniques spécifiques plutôt que sur l’exclusion d’autres diagnostics.
Les idées reçues
Malheureusement, le TNF reste peu connu et encore trop souvent considéré comme un diagnostic “fourre-tout », parfois un diagnostic de complaisance renforçant la stigmatisation et le sentiment d’incompréhension des patients. Si l’entité est déjà peu connue du grand public et même des professionnels de santé, l’existence de traitements dédiés l’est encore moins. Cette méconnaissance contribue à renforcer l’idée d’incurabilité du TNF.
Le diagnostic
Il est crucial de souligner que les patients atteints de TNF ne simulent pas leurs symptômes. Leurs souffrances sont bien réelles et invalidantes, impactant significativement leur qualité de vie. Les troubles peuvent être variés et mimer toute la sémiologie neurologique
: déficit sensitivo-moteur, crise fonctionnelle dissociative, mouvements anormaux, troubles cognitifs. Ce n’est pas un « diagnostic poubelle » posé lorsqu’on ne trouve rien d’autre. Au contraire, c’est un diagnostic positif, qui repose sur l’identification de signes cliniques spécifiques lors de l’examen neurologique. On peut citer, entre autres :
- Le signe de Hoover : une extension de hanche déficitaire se normalise avec la flexion simultanée de la hanche controlatérale.
- Les caractéristiques du tremblement fonctionnel : irrégulier, variable en amplitude et en fréquence, distractible (diminue lorsque l’attention est détournée) et entrainable (peut involontairement « copier » un rythme imposé par l’examinateur sur un autre membre).
- Une faiblesse musculaire fluctuante : par exemple une impossibilité de bouger la jambe en étant allongé ou assis mais pourtant une marche possible.
- Des signes sensitifs ne suivant pas un trajet anatomique
- Des crises fonctionnelles (anciennement appelée crise non épileptique psychogène) qui ressemblent à des crises d’épilepsie, mais qui ne présentent pas les caractéristiques électriques cérébrales typiques de l’épilepsie à l’EEG.
Ces symptômes, bien que ne reposant pas sur une lésion structurelle du système nerveux, sont le reflet d’un dysfonctionnement. De nombreuses études apportent des preuves de l’efficacité d’une prise en charge globale personnalisée. Elle mêle rééducation, thérapie cognitivo-comportementale, la prise en charge d’autres comorbidités (anxiété, dépression..) et permet d’améliorer significativement la qualité de vie des patients et de réduire l’impact des symptômes sur leur quotidien.
Physiopathologie
Bien que les mécanismes exacts des TNF restent encore largement incompris, plusieurs études montrent des anomalies de fonctionnement cérébral. Ces anomalies suggèrent une perturbation dans la communication entre différentes régions du cerveau, notamment celles impliquées dans la motricité, la sensibilité et les émotions. Des pistes s’ouvrent sur l’importance des croyances, de l’attention portée aux symptômes, de l’agentivité (perception du contrôle du mouvement) et de la prédisposition à la dissociation.
Lutter contre les idées reçues
Il est primordial de diffuser l’information à grande échelle. Cette diffusion doit s’opérer de plusieurs manières. Tout d’abord, la formation des professionnels de santé est essentielle et permettra de repérer plus vite et plus tôt le TNF permettant une prise en charge plus rapide. Les associations de patients jouent également un rôle crucial dans cette diffusion : elles offrent un espace d’échange et de soutien aux personnes atteintes de TNF, tout en sensibilisant le grand public à ce trouble encore trop méconnu. La réalisation de campagnes de sensibilisation permettra de lutter contre les idées reçues et de souligner qu’une prise en charge adaptée est possible. En agissant sur ces différents fronts, il est possible de faire évoluer les mentalités et d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de TNF.
Dr J. Labouré